Les maisons de l’emploi dans l’expectative ou… Grandeur et misère de l’action publique en faveur de l’emploi

Publié le par Jacques Planchon, directeur d'une maison de l'emploi

Et voilà, la disette des fonds publics aidant, la rengaine reprend de plus belle : « cette fois les jeux sont faits », « il n’y aura plus de subventions pour les maisons de l’emploi de la part de l’Etat en 2015 », « puisqu’on vous le dit ! »… Une fois de plus un certain nombre d’agents de l’Etat ont déjà voté le budget de l’année prochaine avant même que les Parlementaires ne soient saisis d’un nouveau Projet de Loi de Finances… Application de « consignes » réelles, anticipation de décisions « inéluctables », ou interprétation de signes « qui ne trompent pas » ? Peu importe, le résultat est le même : on déstabilise de la sorte, sciemment ou non, les gouvernances, les équipes et les partenaires des maisons de l’emploi.

Rappelons-nous, pourtant : les maisons de l’emploi ayant été, dans un premier temps, censées être « de droite », que n’avons-nous pas entendu pendant – et juste après – les élections de 2012 ! Pour autant nous n’avions jamais autant vu d’ex présidents de maisons de l’emploi endosser des costumes de ministres que lors du premier Gouvernement Hollande… Et puis la préparation et le vote du budget de l’Etat en 2013 ont coupé court à toutes les rumeurs.

Certes les choix budgétaires ont évolué. Mais chacun sait désormais qu’ils n’ont, sur le fond, rien à voir avec les « couleurs » politiques habituelles, ou apparentes.

Le vrai clivage est entre une conception conservatrice, centralisatrice, à certains égards simpliste, de la politique de l’emploi, et une manière de faire confiance à l’initiative locale, ouverte à l’expérimentation et à l’innovation à la croisée du social et de l’économique, consciente de la nécessité de mobiliser l’ensemble des forces vives localement pour faire face à l’urgence, en dehors des carcans institutionnels.

La vraie difficulté pour les maisons de l’emploi réside depuis le début dans la réticence, voire la défiance, d’une large frange de l’administration dans toutes ses composantes - centrale et déconcentrée - vis-à-vis d’instances créées pour permettre aux acteurs locaux de s’affranchir des cadres habituels.

Et tout se passe malheureusement comme si une certaine Administration avait les moyens de prendre ses désirs pour des réalités…

Certains, dans le style, sont franchement « revanchards ». D’autres sont simplement soucieux d’inscrire leurs injonctions dans ce qu’ils pensent être « le sens du vent » institutionnel et surtout budgétaire… Ensemble, ils mettent cette année autant de zèle à « savonner la planche » des maisons de l’emploi qu’eux-mêmes ou leurs homologues en ont mis en 2005-2006 à les labelliser et à les conventionner, parfois à marche forcée. Ce qui n’a d’ailleurs pas peu contribué à l’hétérogénéité, aujourd’hui tant décriée, du réseau...

La recette est simple, et connue : mettons quelques bâtons dans les roues des maisons de l’emploi, distillons quelques mauvaises nouvelles avec l’assurance de ceux qui tiennent les cordons de la bourse et, le « ménage » commençant à se faire avec la fermeture des plus fragiles, la « liquidation » de l’ensemble n’en sera que plus facile ! Et force est de constater que dans bien des cas elle marche, tant elle apparaît comme une justification toute trouvée pour des élus locaux parfois hésitants, frileux, ou légitimement inquiets.

Passons sur les habituelles négociations et formalités liées au conventionnement avec l’Etat. Elles sont particulièrement chargées cette année avec l’invention des appels à projets permettant de quémander un financement « complémentaire » (qui ne fait en réalité que compenser une partie de la réduction subie) a posteriori.

Il y a plus subtil, ou plus insidieux, comme on veut. Que l’on songe à la démarche d’évaluation menée à marche forcée. Que l’on soupçonne une forme d’ostracisme dans l’organisation de certains évènements liés à l’emploi. Que l’on constate les résistances à certaines opportunités d’inscrire l’action des maisons de l’emploi dans certaines stratégies pour l’avenir…

Les équipes n’attendent pas spécialement d’ « encouragements » de la part de leurs donneurs d’ordres (quoique). Mais de là à faire comme si elles n’existaient déjà plus !

Cette attitude est scandaleuse. Elle est le fait de gens qui avant de prophétiser devraient en toute logique accompagner ceux qui agissent, aujourd’hui, au sein du service public de l’emploi, avec bienveillance.

Loin de moi l’idée de généraliser. Nous avons tous noué, ici ou là, des relations constructives avec les représentants de l’Etat, membre essentiel de la gouvernance des maisons de l’emploi.

Mais tout de même… Drôle de politique publique que celle qui aboutit en quelque sorte à « renier » un financement effectivement alloué, et surtout à lui ôter dans les faits une grande part de son efficience, alors même que l’argent public n’a jamais été aussi rare.

Publié dans Etat, maison de l'emploi, budget

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