Maisons de l’emploi : assez de dénigrement !

Publié le par Jacques Planchon, directeur d'une maison de l'emploi

Soupirs contenus, regards entendus… L’entourage du ministre, la présidence de séance, la députée rapporteure de cette section de la loi de finances, les députés qui partagent ses positions, lèveraient presque les yeux au ciel à l’écoute de certaines questions posées. Ils pensent « Ca y est, le lobby bien connu a manifestement réitéré ses manœuvres d’intoxication auprès de quelques députés décidément bien candides ».

De quoi s’agit-il ? De quoi parle-t-on en Commission élargie à l’Assemblée Nationale ce 28 octobre au soir : des débits de boissons ? Des fêtes foraines ?

Non, il s’agit de l’emploi, de la lutte contre le chômage, de l’action menée par un certain nombre d’élus locaux et de professionnels, avec les acteurs socio-économiques locaux, au nom du service public, dans le cadre des maisons de l’emploi.

C’est une « longue histoire » dit le ministre, une « saga » dit la députée rapporteure. Vraiment ? Qu’est-ce que ça veut dire ? D’où cela vient-il, sinon du manque total de cohérence et/ou de continuité, de la part des gouvernements qui se sont succédé depuis la mise en place du Plan de cohésion sociale en 2005 ?

Il faut que les choses soient très claires.

1. Ce qui provoque la réaction du réseau, ce qui inspire plus précisément l’action de son association représentative en faveur du vote d’amendements visant à abonder la ligne budgétaire dévolue au fonctionnement des maisons de l’emploi, ce n’est pas la volonté de « rajouter toujours de l’argent ». C’est d’essayer de maintenir un minimum de moyens pour soutenir l’initiative locale. C’est de tenter d’enrayer une perte de moyens qui représente 60 % en 4 ans !

2. Nous ne défendons pas « nos boutiques » !

Nous croyons, élus locaux et professionnels, à ce que nous faisons. Et surtout nous ne nous résignons pas. Nous ne pensons pas que « contre le chômage, on a tout essayé ».

Nous faisons le constat, avec les opérateurs de terrain, que le service public de l’emploi au sens classique ne peut faire face, seul, et sans évoluer, à la situation.

Nous pensons qu’il est urgent d’innover dans les pratiques, de décloisonner les interventions, de mutualiser les moyens, de fédérer les énergies.

Nous savons que l’initiative locale, dûment accompagnée par l’Etat par les régions, est probante. Les résultats affichés par les Plans locaux pour l’insertion et l’emploi, également menacés dans leur existence, le montrent.

36 M€ pour ancrer l’ingénierie et l’innovation en faveur de l’emploi et de la formation dans les territoires, au nom du service public… Quand on constate que des dizaines de millions d’euros sont dépensés souvent en pure perte pour financer les interventions en grande partie « hors sol » de multiples cabinets privés, est-ce trop demander ?

Les acteurs des maisons de l’emploi ont une double attente de la part de la représentation nationale : ils exercent des missions de service public, et ce sont aussi des citoyens. Ils attendent que les représentants de l’un de leurs principaux donneurs d’ordres fassent preuve d’un minimum de clairvoyance et d’objectivité dans l’appréciation de ce que sont les maisons de l’emploi, des enjeux du maintien et même du développement de leur réseau, et de la réalité de l’évolution de leurs budgets.

Au lieu de cela on entend dire : « les maisons de l’emploi, il y en a des « bonnes », mais il y en a aussi des « mauvaises », « il faudrait trouver les bons critères pour les évaluer ».

D’abord les maisons de l’emploi viennent précisément d’être l’objet d’une évaluation partagée. Quel cas fait-on des préconisations du rapport de Mme Patricia Bouillaguet ?

Mais enfin, et surtout, de quoi parle-t-on ?

D’un énième opérateur cherchant à survivre ?

C’est faire peu de cas de la gouvernance très particulière des maisons de l’emploi, de leur pilotage tripartite collectivité-Etat-Pôle emploi, sans oublier les autres membres, et partenaires associés.

L’Etat ne manque pas de représentants pour « veiller au grain », s’il y a lieu, au sein des conseils d’administration. Prenons l’exemple de notre groupement d’intérêt public : Préfet, DIRECCTE, Direction départementale des finances publiques, Education nationale, Commissaire du Gouvernement… Fermez le ban !

D’une couche supplémentaire dans « l’empilement » des dispositifs ?

« Il faudrait davantage de cohérence à l’échelon territorial » dit le ministre. Mais c’est précisément la vocation des maisons de l’emploi, Monsieur le ministre ! Même si l’avenant de décembre 2013 au cahier des charges national a escamoté cet axe fondamental.

Si les périmètres ne sont pas adaptés, si la couverture du territoire national est disparate, c’est que les donneurs d’ordres, à commencer par l’Etat, ne s’en sont pas occupés !

Les réductions de moyens, avec le cortège des fermetures de maisons de l’emploi, n’ont fait qu’aggraver le phénomène.

On somme les maisons de l’emploi de produire des « résultats » (sous-entendu à court terme, alors que c’est précisément le rôle des opérateurs). Mais on fait tout pour perturber leur fonctionnement, et pour dégoûter leurs équipes d’animation !

A quoi rime, au fond, le – très - mauvais procès qui est ainsi fait aux maisons de l’emploi ?

A une volonté de « re-centraliser » le service public de l’emploi ? A une sorte de réforme « en creux », rampante, non assumée, car contradictoire avec les discours ambiants ?

Que les dirigeants de Pôle emploi, appuyés par une frange significative de l’administration centrale, cherchent à aller au bout de la logique dans laquelle l’établissement a été placé, c’est après tout de « bonne guerre »…

Mais Pôle emploi peut-il tout faire ? Est-il familier des problématiques du développement local ? Est-il apte à mener à bien des démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les territoires ? Ses équipes sont-elles formées, disponibles pour ce type de démarches ?

Bien sûr que non, et dans les agences locales on le sait pertinemment !

Aujourd’hui plus que jamais la mise en œuvre d’une approche pragmatique et partagée des problèmes posés aux entreprises, à leurs salariés, aux demandeurs d’emploi, mobilisant toutes les ressources disponibles localement, est plus que jamais indispensable.

Alors confortez nos moyens d’animation, d’ingénierie, d’aide à la conduite de projets inter-institutions et interentreprises, au lieu de les réduire. Rassurez-vous : ils bénéficieront, directement ou indirectement, à Pôle emploi et aux autres opérateurs !

Permettez la création de nouvelles maisons de l’emploi en tant qu’instruments d’élaboration de stratégies partagées : c’est la garantie d’une mise en œuvre concertée, et donc a priori plus efficace, des fonds dédiés aux mutations économiques !

Agissez au moins réellement pour élargir les périmètres géographiques, pour impulser la mutualisation des outils d’initiative locale !

Mettez les équipes d’animation des maisons de l’emploi en situation d’agir efficacement !

Aidez-les à progresser dans ce métier difficile !

Récompensez aussi leurs efforts, au lieu de les précariser !

Et surtout, de grâce, encouragez-les, au lieu de les dévaloriser !

Publié dans maison de l'emploi, budget

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