Maisons de l’emploi : vers le dernier acte ? 2. Ouvrons le débat !

Publié le par Jacques Planchon, directeur d'une maison de l'emploi

Aujourd’hui, alors que la survie du programme national est plus que jamais en jeu, quelle attitude doivent adopter les principaux acteurs du réseau ? Le premier sentiment des responsables, des équipes et de leurs associés, est l’incompréhension. Il y a aussi, naturellement, une forme de colère face à ce qui ne peut être interprété que comme un déni de reconnaissance du travail accompli au nom du service public et de l’intérêt général. Faut-il, pour autant, céder à ce réflexe en rédigeant des pétitions, en organisant des sit-in, etc ?

Ne tombons pas dans le piège de la concurrence organisée entre des opérateurs appelés à se disputer les miettes du budget de l’Etat. Ce combat n’est pas celui de militants de l’animation territoriale et de promoteurs d’une action publique capable d’innover et de muter.

Il ne s’agit pas de « sauver les maisons de l’emploi » en tant que « dispositif lambda », encore moins pour préserver l’emploi d’une corporation. Et puis les maisons de l’emploi n’ont rien à justifier. Elles n’ont pas à s’excuser d’être « dans le paysage ». Si le programme national avait été déployé comme prévu personne ne se poserait la question de la « valeur ajoutée » de celles qui restent !

Notre propos : défendre l’une des politiques publiques les plus innovantes de ces dernières années avec le principe de la gouvernance tripartite, avec la latitude donnée à d’autres manières d’aborder les problématiques liées aux mutations de l’économie, du travail et de l’emploi, associée à une vraie capacité à travailler « au grand angle » à l’échelle d’un territoire, en incluant tous ceux qui le souhaitent.

A l’heure où les institutions mettent volontiers en avant les vertus du « partenariat », il faut rappeler que le carburant des maisons de l’emploi est la coopération. Or, tout le monde le sait : c’est ce qu’il y a de plus difficile ! Montrons donc en quoi la coopération est efficace, et ce qu’elle permet de produire au service du public ou au profit des entreprises. Expliquons-en aussi les mécanismes et ce qu’ils contrarient dans les manières d’évaluer aujourd’hui : coopérez, et vous prenez le risque que votre action soit « illisible » tant le travail collaboratif ne peut, par définition, être rapporté à un acteur en particulier, tant il est difficile à tracer à l’ère du "reporting" à outrance…

On en viendrait presque à oublier que les maisons de l’emploi ont été conçues initialement pour intégrer l’existant, au service d’un territoire, derrière une bannière dans laquelle « tout le monde se retrouve » ! Or l’idée se trouve aujourd’hui réduite à sa plus simple expression : une posture de coordination d’autant plus difficile à faire valoir lorsque les opérateurs agissent avant tout « pour leur propre compte », et que le Service public de l’emploi lui-même continue de fonctionner à son rythme et avec ses propres instances…

Les maisons de l’emploi ne sauraient être privées d’un débat sur l’évolution des politiques publiques dans lesquelles elles s’inscrivent. Pôle emploi est-il capable de tout faire et de tout assumer dans ce domaine ? Au-delà de l’indemnisation, de l’accompagnement et du placement des demandeurs d’emploi, peut-il adapter son organisation, sa culture institutionnelle aux exigences d’un travail en profondeur sur les blocages du marché du travail ? De quels moyens, de quelles compétences le pays a-t-il besoin pour « accompagner les mutations économiques » ? Ces interventions doivent-elles être financées par la puissance publique ? Est-il raisonnable d’en confier la mise en œuvre exclusive à des cabinets de consultants ? Pourquoi est-il indispensable d’articuler les politiques emploi-formation-insertion-développement entre elles ? Comment peut-on raisonnablement y arriver ? Voici quelques-unes des questions qui méritent d’être posées sur la place publique. Le pire pour les maisons de l’emploi serait de laisser croire que les dysfonctionnements d’un système complexe à souhait et compliqué à plaisir sont irrémédiables.

Publié dans maison de l'emploi, débat

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